Zoé

Zoé, Gilles Ascaride
Le livre

Puisque personne n’a jamais voulu montrer cette « Arlésienne » qu’est Zoé, puisque tout le monde, au Bar de la Marine et sur le Vieux-Port, lui a tout mis sur le dos (au propre comme au figuré) sans jamais lui donner la parole à cette « petite fille très jolie, très coquette et qui ne pensait pas à mal », Gilles Ascaride a décidé de donner chair et verbe à Zoé, la fameuse tante d’une non moins fameuse trilogie marseillaise… et universelle.
Au crépuscule de sa vie, Zoé repasse le film de son existence : l’amour et les plaisirs sexuels, les brimades et les humiliations de sa sœur Honorade, les frasques de Marcus et Fanélie, la tendresse du patron du Bar de la Marine, Césaire, mais aussi la violence des hommes et des femmes, la pauvreté, le racisme, la guerre… et la « morale » d’une époque pas tout à fait révolue qui empêche les femmes de vivre leurs désirs et de disposer de leur corps. Avant l’heure, Zoé était une féministe – ou tout simplement une femme libre. Qui n’a jamais laissé « mesurer les autres ».
Un texte drôle et émouvant, à faire rire, sourire… et fendre le cœur.

Genre très prisé au cinéma, l’écriture de la « suite » (en anglais sequel) d’une œuvre est un exercice littéraire difficile, dans lequel l’hommage doit s’accorder avec les contraintes de l’univers original ; parmi les suites célèbres, on note Le sphinx des glaces de Jules Verne (suite des Aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe), Célimène et le cardinal de Jacques Rampal (suite du Misanthrope de Molière), L’hiver de beauté de Christiane Baroche (suite des Liaisons dangereuses), Mémoires de Monte Cristo de François Taillandier, suite de l’œuvre d’Alexandre Dumas, ou encore une suite des Misérables de Hugo par François Cérésa, Cosette et… Marius !

L’auteur
Gilles Ascaride

Ecrivain, comédien (comme sa sœur Ariane et son frère Pierre) et dans une autre vie sociologue au CNRS, Gilles Ascaride, né à Marseille, est l’un des fondateurs et fers de lance du mouvement Overlittérature. Auteur d’une vingtaines d’ouvrages (romans, nouvelles, théâtre, essais, journal de voyage) dont certains ont été traduits en italien, ce franc-tireur de la littérature est connu pour son écriture vive et percutante. Il est aussi le fondateur du Festival Overlittérature de Septèmes-les-Vallons (2011, 2013, 2015, 2017, 2019).

L’avis de Philippe Caubère
Philippe Caubère

Gilles Ascaride a réussi l’exploit – le prodige – d’écrire un merveilleux texte en s’inspirant d’un autre, très connu quoique innommé (à vous de deviner…) ; d’en avoir, qui plus est, approfondi la portée, régénéré le sens et rallumé la fantaisie. Sans avoir rien gommé, bien au contraire, de la tragédie qu’il cache sous le masque de la comédie. Bref, d’avoir créé, à partir d’un classique, un texte moderne, politique, social, féministe. Tout aussi drôle et provençal que son modèle, mais plus alacre, plus « vert » et plus féroce. Encore une fois : plus actuel. Marseille n’est pas, décidément, que la ville du football, du faux « assent » ou des mauvais garçons. Elle est aussi celle des grands, des plus grands écrivains. Béni soit Gilles Ascaride d’avoir su renouer, après tant d’autres, avec cette tradition trop souvent oubliée !

Philippe Caubère, 4ème de couverture

La préface de Jean Contrucci, « Et le Verbe s’est fait chair »
Jean Contrucci, photo Théo Orengo

Avec l’Arlésienne, Alphonse Daudet a réussi un exploit demeuré sans égal dans l’histoire du théâtre français : rendre universellement connu un personnage qui n’existe pas ! Non seulement il a donné son titre à l’oeuvre, mais ce fantôme a éclipsé les autres protagonistes de la pièce. Mieux encore : il est passé dans la langue française. On dit de quelqu’un dont tout le monde parle et qu’on ne voit jamais arriver : « c’est l’Arlésienne ! » Chacun sait de qui il s’agit sans l’avoir en aucune occasion rencontrée.
Vous me direz, il y a un précédent fameux : Dieu le Père Lui-Même !
Et je n’évoque ici Saint-Glinglin que pour étoffer ma démonstration : le monde spirituel n’est pas exempt du sentiment d’obsession que suscitent ces attentes inassouvies, ces inconnus qui ne daignent pas se montrer, ces personnages désincarnés qui planent sur l’œuvre mais en demeurent obstinément absents.
Pour autant, si l’exploit de Daudet est fameux, le cas n’est pas unique : qui connaît Madame Maigret ? Qui sait à quoi ressemble Madame Colombo ? Vladimir et Estragon cesseront-ils un jour d’attendre Godot ? Si la Cantatrice chauve « se coiffe toujours de la même façon », Ionesco lui-même serait bien emprunté pour indiquer si elle se fait la raie à gauche ou à droite. Quant aux cinéphiles, ils s’empaillent chaque fois qu’il s’agit d’identifier le diabolique Keyser Söze parmi les personnages du film Usual Suspect. Gilles Ascaride – habituellement symbole de quiétude et de sérénité – a été à son tour saisi par cette interrogation frénétique à la lecture d’une trilogie marseillaise et universelle si fameuse qu’il paraît inutile de la désigner par son nom : chacun la connaît et peut en réciter des tirades entières – partie de cartes comprise – et les personnages font partie de la famille.
Il y a pourtant dans cette œuvre une Arlésienne. Une vraie, comme chez Daudet. Et depuis longtemps elle fascine Gilles Ascaride. C’est Zoé, la mystérieuse tante Zoé. Aucune actrice ne l’a jamais incarnée, elle n’entre pas un instant en scène, on ne la voit pas débouler sur l’écran et pourtant son ombre rôde en coulisses quand, ici ou là, un des protagonistes de la pièce l’évoque. Zoé n’a pas d’existence, mais elle est bien présente dans l’esprit des autres, ceux qui l’ont rejetée parce qu’elle avait « mal tourné » comme disent les gens certains d’avoir – eux – suivi le bon chemin. Zoé, c’est la maudite, la réprouvée, condamnée sans appel possible par le clan des « braves gens », ceux qui se font une morale à peu de frais sur le dos de la brebis galeuse. C’est particulièrement flagrant dans la scène où – la jeune héroïne ayant avoué « qu’elle a fauté hors mariage », comme on disait alors chez les prolétaires comme chez les bourgeois – sa colérique poissonnière de mère accable la coupable en prophétisant pour sa progéniture un avenir de fille perdue qui a deshonoré la famille : « elle finira comme sa tante Zoé ! »
Terrifiante perspective ! Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire, Zoé, pour mériter l’anathème ? Oh ! On s’en doute un peu. Mais cela valait-il bannissement, cela valait-il cet opprobre et cette durable malédiction ? Ceux qui l’ont condamnée sans appel ont-ils donc la conscience si nette ? On sait bien que non : ils l’avouent ou le révèlent tous peu ou prou au détour d’une réplique, d’une confidence ou d’une réflexion : tous ont triché, avec la morale, avec les réglements, avec leur conscience même. Mais Zoé, c’est une aubaine pour tous les autres : elle a mal tourné. On sait ce que ça signifie chez les « braves gens ». Circonstance aggravante : elle l’a fait au grand jour ! Haro sur le baudet ! Écartée du troupeau, voilà qu’elle confère à ses juges à la morale élastique le statut de prix de vertu.
C’est cette injustice qui a poussé Gilles Ascaride à s’emparer du personnage de la tante Zoé et à lui rendre sa chair, son esprit, son âme, sa voix, elle qui n’en avait jamais eus. Par la bouche même de l’excommuniée, en donnant enfin une parole bouleversante à cette femme si longtemps rendue mutique par ses bourreaux, il restitue – en même temps qu’à nous qui l’écoutons – la vie qui lui manquait. Privée depuis toujours de parole, voilà enfin la brebis galeuse dotée d’une voix. Et quelle voix ! C’est le timbre tonitruant que lui prête celui qui la sort de son anonymat.
Quand on a vu sur scène de quoi il est capable, quand on a lu dans ses livres de quelle capacité d’indignation Gilles Ascaride est doté quand il s’empare d’une cause, d’une idée à défendre, d’un personnage à réhabiliter, on peut vous dire que « ça déménage ».
Car elle n’est pas là pour s’excuser ni à plaider les circonstances atténuantes, Zoé. Ce qu’elle a fait, elle l’assume et irait jusqu’à le revendiquer. C’est sa vie et – comme Édith Piaf – « elle ne regrette rien ». Qu’on ne compte pas sur elle pour implorer la pitié de ses bourreaux, bien placée pour savoir qu’ils n’en ont pas, qu’ils n’en ont jamais eu, eux qui pour se donner bonne conscience, pour laver cet honneur familial qu’ils portent en bandoulière ont « vendu » en douce la petite amoureuse qui a fauté – sa nièce – à un vieux maître voilier plein de sous pas fâché de l’aubaine. Dans un long monologue où alternent rire et émotion, prenant parfois le ton de la tragédie, Zoé règle ses comptes à ses procureurs en les prenant un par un pour en dévoiler la face sombre trop longtemps dissimulée sous l’estrambord méridional et la galéjade. Elle dit avec ses mots à elle, des mots de tous les jours, pleins de sève jusqu’à la crudité, ce que disait déjà avec les siens Madame de Sévigné : qu’à Marseille, derrière la façade trompeuse de la jovialité, « l’air, en gros, y est un peu scélérat ». Les masques tombent, les « arrangements », les motivations fluctuantes, les prétextes avancés, les justifications douteuses apparaissent, révélant la complexité morale de personnages trop facilement perçus comme des santons sympathiques et joviaux « tout d’une pièce ».
Zoé leur rappelle opportunément la vieille sagesse populaire : « Quand on veut monter aux arbres, il faut mettre une culotte propre ». Aurait-elle souvent oublié d’enfiler la sienne, qui sont-ils pour s’en offusquer ?
Fameuse idée qu’il a eue là, Gilles Ascaride ! L’occasion de nous donner l’un de ses meilleurs textes, l’un des plus prenants, en s’attribuant avec maestria le rôle d’avocat de la défense.
Et au passage de réaliser un tour de force : en restituant à l’ombre légère de la tante Zoé son verbe et sa chair, tous les autres personnages qu’elle évoque deviennent à leur tour des Arlésiennes !
Trop fort !

Jacques Bonnadier, sa lettre aux amis…
Jacques Bonnadier, crédits Jean-Luc Pitovsky

… pour leur dire le plus grand bien du prochain livre de Gilles Ascaride : Zoé. Un chef d’œuvre de « l’Overlittérature » marseillaise.

Lorsque vous êtes, depuis la fin des années 1920, l’un des personnages de la trilogie célèbre d’un illustre académicien aubagnais, que, telle l’Arlésienne, l’on ne vous y a cependant ni vu ni entendu, que de surcroît votre nom même n’y a été cité que deux ou trois fois péjorativement, dans des répliques assassines qui laissent supposer de vous les pires infamies ; et qu’en plus, d’une certaine façon à cause de vous, toutes les Zoé du monde – car c’est ce beau nom synonyme de vie que vous portez – risquent aussi d’être injuriées par ce mépris, il est tout ce qu’il y a de plus naturel, de plus légitime et, pour tout dire, de plus moral que vous ayez envie de faire taire enfin les mauvaises langues des prétendues bonnes âmes… et de raconter vous-même votre histoire.

Eh bien ! figurez-vous, c’est ce qu’a entrepris de faire Zoé, l’âge venu ; Zoé Audibert, parfaitement, la sœur d’Honorade Canabis et de Claudette Soulon, la tante de Fanélie, oui la Fanélie qui fut l’amoureuse de Marcus Ollivier, le fils du bistrotier Césaire, enfin vous voyez de quoi je veux parler. Zoé vient de recevoir par la poste le faire-part du décès d’Honorade. Les obsèques ont lieu le lendemain à Saint-Victor. S’y rendra-t-elle ou non ? Elle hésite. Et en attendant elle se confie à son chat – Pompon il s’appelle, ça vous dit quelque chose ? – et elle lui raconte sa vie d’aventures, de métiers aléatoires, ses déceptions amoureuses, ses luttes sociales, ses engagements politiques, ses misères de toutes sortes, ses bonheurs aussi, petits et grands.

Zoé, la « petite fille très jolie, très coquette et qui ne pensait pas à mal » et qui s’est forgé une sacrée personnalité loin d’une famille qui l’a déconsidérée, soutenue (de loin) par la seule tendresse bourrue du vieux Césaire, Zoé se raconte donc, enfin ! dira-t-on, et elle le fait par la plume virtuose d’un maître écrivain et auteur dramatique, Marseillais celui-là, pas le moins du monde académicien : le fort peu académique Gilles Ascaride.

Son court roman, Zoé, publié par les éditions du Fioupélan, sera en librairie le 9 novembre. Précipitez-vous d’aller le commander ! Il est drôle, tendre, grave, souvent poignant, d’une humanité bouleversante et tout du long séduisant par son écriture-même, dans un parler marseillais éblouissant de justesse et de vérité. Son préfacier, Jean Contrucci – qui a récemment marqué spectaculairement son passage à « l’Overlittérature » avec son « récit homérique » de La vérité vraie sur la fondation de Marseille – dit du texte de son collègue que c’est « l’un de ses meilleurs, l’un de ses plus prenants ». Et si c’était son chef d’œuvre ? Moi, je risque le mot. Et en tout cas, je vais vous dire : l’Ascaride, il n’a ici rien à envier à l’académicien célèbre et il a drôlement bien fait de lui chiper astucieusement la « Zoé » de sa trilogie ! Pour lui rendre enfin justice et dignité. Parfaitement !

Auteur Gilles Ascaride

Collection Overlittérature

Préface de Jean Contrucci
Texte de 4e de couverture de Philippe Caubère

Nombre de pages : 72
Format : 13 x 20,5
Parution : novembre 2018
Prix : 10 €
ISBN : 978-2-916819-40-2

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