Le Parler Gras, lettre B

Baccala : Gisclet, fifi, mistoulinet, esquinade, ratepenade, gringalet, demi-portion, freluquet efflanqué, bref, hominidé très famélique, mais pas autant qu’un stoquefiche. A la rigueur, un stoquefiche obèse (non content de représenter un savoureux oxymoron), a toutes les chances de se faire passer pour un baccala. Rassurez-vous, la supercherie ne risque pas d’échapper à un œil averti.

Bada : Une sorte de rab’ qu’on rajoute au moment de vous plier la marchandise dans du papier journal. Mot employé surtout chez les marchandes de panisses aux mains grasses. Très rarement chez Van Cleef et Arpels.
 » Çui-là qui va pécho pour les potos se garde le bada « . (Jean d’Ormesson, Mémoires d’un tchapacan Tome 1).

Le Parler Gras

Balarguer : On balargue souvent à la rasbaille, mais des fois non.  » Je balargue mes bordilles par le balcon, ça fait un sujet de conversation pour les voisins du dessous  » (Jean d’Ormesson, Mémoires d’un tchapacan Tome 2).

Banaste : Un panier, en provençal. Plutôt employé au sens d’unité de mesure (voir  » Unités de Mesures Marseillaises « ). Sans que le rapport soit clairement établi, ce terme peut s’utiliser pour qualifier une personne mal équipée au niveau neurones, limite toti.
 » Oh fan, qué banaste ! T’y as pas encore compris que l’équicontinuité transposée est une généralisation de la continuité restreinte dans (X,Y ), pour peu qu’elle soit munie de la topologie de convergence uniforme du sous-espace exponentiel (Z,Q) de continuité induite, si les axiomes définissant un k-espace vectoriel vérifient le postulat de la bipolarité fractale, telle que p=P/x(A,B)-xPz , avec p premier et p ne divisant pas x en regard de la loi négative binomiale ?… Non, mais t’ y es con ou quoi ?… « .
C’est vrai, on frise la catachrèse.

Barjaquer : C’est comme déparler, mais pas vraiment. Illustration dans la définition précédente.

Bati-bati : Ce terme médical, pourtant suggestif au possible, n’a pas trouvé sa place dans les manuels officiels de cardiologie. On lui a préféré  » tachycardie « , qui, convenons-en, est nettement moins chantant. C’est bien dommage.
NB : Ceux qui s’encapent le bati-bati et le vire-vire en même temps n’ont vraiment pas de chance.

Bazarette : Du provençal basaruta,  » jacasser « . Par rapport à barjaquer, c’est le concept de prolixité qui est ici prépondérant. Indiquer qu’une bazarette est atteinte de logorrhée profuse constitue en soi une redondance facile.

Bédélet : Partie abdominale du corps au milieu de laquelle on peut localiser l’embouligue, (voir Embouligue).

Bendeù : Le bendeù reste une base dans l’art de la filade. Il faut savoir qu’un bendeù correctement appliqué par un maître troisième dan peut vous ensuquer pour la journée, avec en prime une gibe commack.

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Bertrand : N’est pas un prénom local, mais il semble qu’un Bertrand dans les temps anciens ait laissé sa trace dans l’inconscient collectif de notre belle région.  » Fais du bien à Bertrand, il te le rend en caguant  » reste une expression très usitée de nos jours. A noter la variante :  » Fais du bien à un Italien, il te chie dans la main « , qui contribue à conforter une saine ambiance d’amitié entre les peuples. Vous pouvez essayer pour voir avec Parisien, Ajaccien, Norvégien, Manosquin, Lacanien, Giscardien, selon l’humeur du jour.

Bette , pointu : L’embarcation typique de notre belle région, gréée d’une voile latine et d’une figure de proue très suggestive : le capian, ou carpian. (voir Titin). Depuis la plus haute Antiquité, l’homme chevauche ces fiers destriers des mers destinés à braver la colère des éléments en furie. Zè le pêcheur est de ceux-là.  » Je laisse mon pointu amarré à la bitte, je sais qu’il est foutu, mais au moins on est quittes  » ( Quartiers Nord – 2001, l’Odyssée de l’Estaque, Opérette-Rock marseillaise).

Bézef : Pas bésef (ou bézef). Dérivé de l’arabe  » bezzaf  » qui veut dire beaucoup. De toute façon,  » Il jouait du piano debout, et pour lui ça veut dire bézef « , ça sonnait pas terrible, ils l’ont pas gardé.

Biberine : Poudre blanche consommée autrefois dans les cours d’école. Celle-là au moins était sans danger. Selon les statistiques préfectorales, les cas de décès par overdose de biberine sont Dieu merci assez rares. La biberine est utilisée dans une expression traduisant un état de décompensation psychomotrice tendant vers une déliquescence dégénérative plus ou moins avancée et autres symptômes à la con :  » Partir en biberine « .
Selon les orientations du moment, il est possible aussi de partir en couille, en vrille, en live ou en fougade, (au choix).

Bicouli : Selon les hagiographes de notre beau parler, bicouli ne serait en fait rien d’autre qu’ un affectueux dérivé de quiquounette. On veut bien les croire (voir quiquounette).

Biscanti : De guingois, obliquement de traviole, storti. Voir goï.

Blanquinas : Blafard, blême, livide, lactescent, hâve, exsangue, limite cyanosé ?

Blond :  » Ho blond !  » Interpellation familière d’un collègue, même s’il est brun, voire chauve. Encore un paradoxe de notre beau parler. Plus personnalisé :  » Ho Bicou ! « ,  » Ho Loule !  » « ,  » Ho Zè ! « ,  » Ho Jean-Gontrand !  » (plus rare).

Bogue (Boops boops, famille de Sparidés) :  » Qui s’endort dans l’huile bouillante avec des yeux de bogue risque de se réveiller avec des yeux de merlan frit.  » (Proverbe ophtalmo local.)

N.B : 1- Que l’on ait les yeux bordés d’anchois ou pas ne change rien au problème.
2- Le proverbe n’est pas homologué pour les fiélas (Conger vulgaris).

Bois : (Dans la locution  » en bois « ).  » Mais qu’est ce qu’y fout ce gardien en bois ?  »  » Qu’est-ce que c’est encore ce plan en bois ?  » Attention, un plan en bois n’a rien à voir avec une planche bien plane. Un plan en bois est plutôt un engambi à la con.

Bòmi :  » Ça me file le bòmi « , ou  » Ça me dénature mes ressources psychiques jusqu’à un état paroxystique d’aphasie cérébro-motrice  » . Ça dépend si vous parlez le français ou le marseillais.

Bon : Cet adjectif est employé dans des tournures différentes de celles de nos amis les gens du Nord.  » Oh putain, on leur a mis trois à zéro aux parisiens, trop bon, fada !
– Allez, pour de bon ? Trop méchant ! »

Boquer : C’est genre comme une estoumagade, mais avec la honte en plus, parce là, pour de bon, c’est un coup à perdre la figure.  » Fatche de, comme j’ai boqué devant les collègues au bar, quand y eu la photo en couleurs de mon sguègue en première page du journal ! « . Ami lecteur, souhaitons que pareille mésaventure ne t’arrive jamais.

Bordille : Ce terme évoquant un assortiment bigarré d’immondices est employé à profusion dans la conversation courante :  » Non mais, t’y as vu ce connot, la bordille que c’est ?… – Ho, et toi, non ? Ho, petite bordille, tu t’es regardé ? « … etc.
Se faire traiter de bordille pourrie ou de bordillasse est plus rare, mais plus grave, n’ayons pas peur de le dire.

Boucan : Quantité significative de décibels livrés en pâture à nos tympans ébaubis. A noter un deuxième sens, corrélatif à une personne de la gent féminine possédant peu d’attraits susceptibles d’attirer la convoitise du maffre moyen :  » Ho Zé ! T’y étais toi, au Barbarella hier soir ? Non, mais t’y as pas vu le boucan qu’y s’est encapé Mèhu ? Rien qu’à y penser, j’ai le vòmi qui me monte ! « .

Bouche , tchougade , trompette , mytho , fifre , pipeau , cafalot , ronflant , pagalenti : Se dit classiquement d’une roulade qui nifle son monde en faisant fatuitement étalage de son immodestie à rallonge :  » Eh qué, mais qu’esstu racontes, cinéma ! Tu vois pas que t’y es plein de bouche ?  » Non, Jean d’Ormesson n’est pas une bouche, c’est un fin lettré. Mauvais exemple.

Boufigue : Attention, ne surtout pas confondre la boufigue avec une simple gibe. Ne perdons pas de vue que la boufigue est une enflure pathologique des couches sous-cutanées, accompagnée fréquemment de dilatation des séreuses sous-jacentes.
 » Le traitement princeps de la boufigue demeure depuis la plus haute antiquité l’administration d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens pyrazolés, indoliques, ou aryl-carboxyliques. Ceux qui parviennent à inhiber la synthèse des prostaglandines ont des propriétés antalgiques et antipyrétiques non négligeables lorsque la boufigue est prête à éclater.  » ( Richard Clayderman.  » La Boufigue, nouveau défi du troisième millénaire ?  » Editions de l’Esque courbaturée).

Bouger : Voler, chaparder, escaner, taxer, roustir, les termes ne manquent pas.  » Mieux vaut bouger une béhème série cinq turbo injection qu’une boîte de haricots verts. Au moins, si tu te fais aguinter, ça sera pas pour rien  » Maxime bien connue. En plus, essayez donc de convaincre une cagole d’aller faire un tour de Corniche en boîte de haricots verts, même décapotable, vous allez voir comment vous allez vous faire recevoir.

Bougnette : Du provençal bougneto, beignet. Par extension, tâche provoquée par un corps gras. Sachez que si votre fantasme le plus cher est de marquer mal en moins de deux dans une réunion de comité de direction, il vous suffit d’un chichi-frégi bien huileux et d’un minimum de savoir-faire pour bien vous embarnisser chemise, cravate et costard. Si vous êtes viré, vous pourrez toujours vous consoler en allant poser pour la pub d’  » Ariel spécial tâches résistantes .  »

Brailles : Du provençal braio, venant lui-même des braies gauloises, ancêtres du pantalon. Le marque-mal qui a un chichibelli doit s’embrailler de toute urgence, surtout s’il est cafi de bougnettes. Le fait d’être un cague-brailles ne risque pas d’arranger son cas. (Si vous attaquez la lecture du bouquin par cette définition, sachez qu’il est normal d’être quelque peu décontenancé.)

Brancàci , brancaï : L’équivalent français serait « bras-cassés ». Le brancaï fait tout de biscanti, casse tout ce qui passe à sa portée, on peut dire sans exagérer qu’il a une main de pàti qui lui pend au bout de chaque bras.

Brouméger : En dialecte pescadou, c’est quand on balance des appâts dans l’eau pour attirer le poisson. En dialecte cake, c’est se comporter comme une vraie bouche, sortir de que des trucs pipeau à ses compagnons de fly.

Le Parler Gras

Bronx : Une sorte de ouaï en pire, presque aussi bordélique qu’un chaple. Se reporter à cet effet aux récents numéros de Voici traitant de l’approche copernicienne de l’Entropie et de ses conséquences sur les différents niveaux de perception intime du réel.

© Les éditions du Fioupélan